L’irruption de l’intelligence artificielle marque un basculement profond dans notre aventure humaine – un tournant aussi décisif que le furent en leur temps l’imprimerie ou l’arrivée des ordinateurs. Fermer les yeux serait une démission.

Ce bouleversement technologique suscite, de manière presque réflexe, deux attitudes extrêmes : l’émerveillement passif ou la peur paralysante. Aucune de ces réactions n’est à la hauteur du défi. Car il ne s’agit pas seulement d’un enjeu technique : c’est une question de civilisation. L’intelligence artificielle transforme déjà nos manières de communiquer, de travailler, de décider — donc de vivre ensemble. Elle façonne en silence les contours de notre démocratie.

La citoyenneté ne peut rester en retrait de ce débat. Chacune et chacun, en tant qu’acteur de la société, a le droit — et le devoir — de s’en emparer. Les associations, les collectifs, les bénévoles, sont en première ligne. Parce qu’ils incarnent une forme d’engagement libre et désintéressé, ils sont porteurs d’une parole précieuse : celle du terrain, de la proximité, de l’humain.

L’IA n’est pas un simple outil à "bien utiliser". Elle est un système qui modifie nos représentations, influence nos choix, colonise nos imaginaires. C’est un pouvoir nouveau. Et comme tout pouvoir, il appelle un contre-pouvoir. Le monde associatif peut jouer ce rôle essentiel : faire contrepoids, interroger, résister, proposer.

Ce n’est pas en spectateurs que nous devons accompagner cette mutation, mais en citoyens debout, capables de discerner, de débattre, d’agir. L’IA pose une question essentielle : que voulons-nous devenir en tant qu’êtres humains ? Acceptons-nous d’être réduits à des données, à des profils, à des prédictions ? Ou revendiquons-nous la richesse de l’imprévisible, la lenteur du discernement, la beauté du doute ?

L’AGLCA, avec ses partenaires ALTEC et la MJC Pop Corn, a décidé de prendre sa part. Le 4 mars dernier, une table ronde et deux ateliers pratiques ont permis à des bénévoles de s’informer, de comprendre, de se former. Car face à la complexité, nous croyons à la force de l’éducation populaire, à l’intelligence collective, à la parole partagée.

Dans un monde qui valorise l’automatisation, nous affirmons la valeur de l’engagement. Dans un monde qui glorifie la performance, nous défendons l’espace de l’initiative humaine, de la solidarité, du lien. Les associations ne sont pas des marges : elles sont le cœur battant de la démocratie vivante.

Face au vertige technologique, il n’y a pas de réponse toute faite. Mais il y a une attitude à cultiver : celle d’une vigilance active, critique, lucide, enracinée dans les valeurs que nous portons ensemble. Pour que l’avenir ne soit pas subi, mais choisi. Ensemble.

Renaud DROUY
Directeur de l’AGLCA