S’il est un message clair à faire entendre, c’est que les associations ne sont pas des entreprises sociales. Elles sont le reflet vivant d’une démocratie active, solidaire et inclusive.
Et malgré les coupes franches et brutales, parfois totales des subventions versées aux associations, celles-ci résistent encore, et œuvrent dans les interstices du vivre-ensemble.
Entre la fin 2024 et ce tout début 2025, le gouvernement a réaffirmé la couleur de son plan d’austérité : 3,1 milliards d’euros d’économies à réaliser, dont une large part est répercutée sur les collectivités locales. Résultat ? Le choc est bien réel : une enquête menée par Le Mouvement Associatif et le RNMA début 2025 alerte sur un état critique du secteur. 72 % des associations interrogées déclarent ne pas avoir de solution face aux difficultés financières. Réduction d’activités, hausse des coûts pour les usagers, suppressions de postes... le monde associatif prend l’eau, et notre propre structure n’est pas épargnée. Le budget prévisionnel que nous présenterons lors de notre assemblée générale du 17 juin sera déficitaire.
Mais cette crise ne date pas d’hier. Elle est le symptôme d’un mal plus profond : la marchandisation progressive des associations.
Depuis une vingtaine d’années, l’intérêt général cède face au modèle marchand alors le basculement s’opère dans la manière dont l’État et les collectivités financent les associations. On est passé d’une logique de subvention publique inconditionnelle, reconnaissant la mission d’intérêt général, à une logique de commande publique, de prestation de service, soumise à appel d’offre, concurrence et rentabilité.
Quelques chiffres clés :
• Entre 2005 et 2020, la part des subventions dans le financement des associations a chuté de 41 %.
• Dans le même temps, les financements obtenus par appels à projets, prestations ou partenariats commerciaux ont fortement augmenté, créant un glissement vers des logiques de marché.
Ce changement n’est pas qu’une question comptable. Il modifie en profondeur la nature même du projet associatif. Là où il s’agissait auparavant de répondre à des besoins sociaux mal couverts, dans une logique de solidarité et de participation citoyenne, les associations sont désormais souvent sommées de prouver leur efficacité économique, leur performance, leur rentabilité.
Cette évolution engendre plusieurs effets préoccupants :
• Perte d’autonomie : dépendantes de financeurs exigeant des indicateurs de performance, les associations adaptent leur action aux critères imposés plutôt qu’aux besoins du terrain.
• Inégalité d’accès : les activités deviennent payantes ou augmentent leurs tarifs pour survivre, excluant les publics les plus fragiles.
• Concurrence délétère : les appels à projets mettent en concurrence des structures aux ressources inégales, favorisant les plus grandes ou les plus professionnalisées.
• Risque démocratique : l’action bénévole, le militantisme, l’engagement désintéressé sont progressivement relégués au second plan, au profit d’une gestion technicisée des associations.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son avis de mai 2024 intitulé Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique, souligne clairement cette dérive. Il insiste : "La marchandisation des associations affaiblit leur rôle fondamental au service de l’intérêt général, de la cohésion sociale et de la démocratie locale". À travers vingt préconisations, il appelle à un sursaut politique : reconnaître le rôle singulier des associations, stabiliser leur financement, et remettre l’intérêt général au cœur des politiques publiques.
Notre association doit, comme tant d’autres, faire face à des choix douloureux. Mais nous refusons de céder à la fatalité.
Nous devons :
• Réaffirmer notre mission sociale et refuser d’entrer dans des logiques de "rentabilité sociale" déconnectées du réel.
• Porter haut notre voix auprès des élus et partenaires pour exiger une reconnaissance pleine et entière de notre utilité publique.
• Innover sans renoncer : explorer de nouveaux financements, oui, mais sans perdre notre âme ni brader notre raison d’être.
Parce que les projets répondent aux besoins des territoires en complément ou en substitution des pouvoirs public, restons mobilisés et vigilants ensemble et continuons d’œuvre pour une société plus juste et solidaire en résistance au modèle dominant actuel.
Isabelle PANZICA
Directrice adjointe de l’AGLCA